mercredi 13 décembre 2006
La musique classique s'exile sur le Net
Certains petits labels et distributeurs de musique classique enregistr?ɬ�e y r?ɬ�fl?ɬ�chissaient depuis quelques mois. Aujourd'hui, ce sont les majors qui font savoir - et en y mettant les moyens - qu'elles cherchent ?ɬ� attraper le client au moyen d'Internet. Il y a d'abord l'ouverture par une grande enseigne, en l'occurrence Virgin-Mega, de la premi?ɬ�re plate-forme de t?ɬ�l?ɬ�chargement payant uniquement consacr?ɬ�e ?ɬ� la musique classique. Mais il y a surtout la d?ɬ�cision prise par Universal Music de vendre au public des enregistrements in?ɬ�dits, disponibles exclusivement en t?ɬ�l?ɬ�chargement. Bref c'est une petite r?ɬ�volution pour un genre musical qui, jusqu'ici, semblait se tenir ?ɬ� distance d'Internet, contrairement au rock par exemple.
Ainsi la prestigieuse maison Deutsche Grammophon (Universal) propose une s?ɬ�rie d'enregistrements de concerts disponibles uniquement en t?ɬ�l?ɬ�chargement et vient d'annoncer la sortie en ligne, le 18 d?ɬ�cembre, de la version espagnole de l'album consacr?ɬ� ?ɬ� Luis Mariano par le t?ɬ�nor Roberto Alagna dont le CD ne para?ɬ�tra qu'en Espagne.
Cette d?ɬ�cision paraissait in?ɬ�luctable en raison des baisses dramatiques des chiffres de ventes de disques, des difficult?ɬ�s et des co?ɬ�ts de production et de distribution : les rayons fran?ɬ�ais de disques classiques r?ɬ�duisent de plus en plus leurs surfaces, tandis qu'aux Etats-Unis une cha?ɬ�ne comme Tower Records ferme ses portes (Le Monde du 2 d?ɬ�cembre).
Le label ?ɬ� prix ?ɬ�conomique Naxos avait mis en ligne, voil?ɬ� plusieurs mois, l'int?ɬ�gralit?ɬ� de ses nombreux titres. Mais c'?ɬ�tait en "streaming", c'est-?ɬ�-dire en consultation non t?ɬ�l?ɬ�chargeable, contre le paiement d'une somme forfaitaire annuelle de quelque vingt dollars, et dans un son compress?ɬ� de qualit?ɬ� tr?ɬ�s m?ɬ�diocre. Aujourd'hui, Naxos passe ?ɬ� la vitesse sup?ɬ�rieure en proposant au t?ɬ�l?ɬ�chargement son catalogue sur les plates-formes de t?ɬ�l?ɬ�chargement commerciales ext?ɬ�rieures.
Lundi 11 d?ɬ�cembre, quatre repr?ɬ�sentants ou associ?ɬ�s du groupe Universal participaient ?ɬ� une conf?ɬ�rence de presse interactive, ouverte ?ɬ� tous - en d'autres termes un "chat". Il y avait le chef d'orchestre Riccardo Chailly, qui est le premier, pour la maison Decca, ?ɬ� publier exclusivement sur le Net un enregistrement (Schumann avec la pianiste Martha Argerich) ?ɬ� la t?ɬ�te de l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig ; Andreas Schulz, directeur de cet orchestre ; Bogdan Roscic, directeur g?ɬ�n?ɬ�ral de Decca ; Jonathan Gruber, responsable charg?ɬ� de la mise en route du catalogue d'Universal sur Internet.
Ce "chat" illustrait la prudence des majors : les questions les plus ?ɬ�pineuses ?ɬ�taient ?ɬ�vit?ɬ�es. Ainsi Riccardo Chailly s'est r?ɬ�joui mais sans pr?ɬ�ciser l'essentiel, ?ɬ� savoir les oeuvres qu'il allait enregistrer pour le disque et celles qu'il r?ɬ�servait ?ɬ� Internet. "Pendant presque vingt ans, j'ai enregistr?ɬ� en exclusivit?ɬ� pour Decca et, sans exception, en studio, explique M. Chailly. Mais ce nouveau poste au Gewandhaus me donne la possibilit?ɬ� d'exp?ɬ�rimenter cette technique nouvelle, gr?ɬ�ce ?ɬ� la merveilleuse ?ɬ�quipe de Decca."
Ne pr?ɬ�cisant pas davantage les parts des futurs enregistrements sur disque et sur Internet, Bogdan Roscic embo?ɬ�te le pas : "Cette s?ɬ�rie est simplement un moyen suppl?ɬ�mentaire de collaborer avec de grands orchestres et chefs d'orchestre." Le clou des bons sentiments a ?ɬ�t?ɬ� enfonc?ɬ� ?ɬ� propos d'une question consacr?ɬ�e ?ɬ� la rentabilit?ɬ� de ce mode de diffusion de la musique : "Nous ne nous focalisons pas sur les profits mais cherchons ?ɬ� offrir une mani?ɬ�re compl?ɬ�tement nouvelle de rendre la musique disponible."
A la v?ɬ�rit?ɬ�, ces m?ɬ�mes majors ont mis ?ɬ� la porte quantit?ɬ�s d'artistes qui n'?ɬ�taient pas ou plus rentables, quand bien m?ɬ�me ils avaient fait les beaux jours de leurs catalogues. Le chef d'orchestre Lorin Maazel en est un exemple. Deutsche Grammophon sait que des disques de lui ne seraient pas rentables. Mais cette soci?ɬ�t?ɬ� peut en revanche proposer sans risque sur le Net certains de ses concerts ?ɬ� la t?ɬ�te du New York Philharmonic : suppression des frais de fabrication ou de diffusion, minimum de retouches et mise en ligne dans les dix jours suivant l'enregistrement.
Mais quid des n?ɬ�gociations avec les musiciens d'orchestre, chefs et solistes, que l'on imagine ardues ? Les intervenants ont rappel?ɬ� beno?ɬ�tement que ceux-ci avaient "r?ɬ�agi avec enthousiasme". Reste la question de la qualit?ɬ� du son. "La qualit?ɬ� des t?ɬ�l?ɬ�chargements sur la plupart des plates-formes est ?ɬ� pr?ɬ�sent tr?ɬ�s proche de celle des CD. Dans certains cas le son est aussi bon et nous serons bient?ɬ�t capables d'offrir un son en ligne meilleur que celui du CD", a d?ɬ�clar?ɬ� Jonathan Gruber. Quant aux pochettes, auxquelles sont attach?ɬ�s nombre de m?ɬ�lomanes, les livrets seront fournis, contre l'achat du CD complet, sous format pdf.
Yves Ri?ɬ�sel, patron d'Abeille musique, qui distribue nombre de labels ind?ɬ�pendants en France, a quintupl?ɬ� son chiffre d'affaires avec les int?ɬ�grales Bach et Mozart au prix imbattable de 99 euros. Il observe avec pessimisme l'arriv?ɬ�e des majors dans la mise en ligne de leurs catalogues. " Cela fait presque trois ans que je me creuse la t?ɬ�te pour savoir ce que vont devenir mon m?ɬ�tier et mon activit?ɬ�. Une chose est certaine : m?ɬ�me si le num?ɬ�rique ne d?ɬ�colle pas, le disque physique va continuer de d?ɬ�gringoler. Les perspectives ouvertes sont passionnantes mais les labels ind?ɬ�pendants restent en ordre dispers?ɬ�, leur stabilit?ɬ� juridique est mauvaise. Le passage au num?ɬ�rique profite m?ɬ�caniquement aux majors car elles disposent de fonds ?ɬ�normes et des avocats, des strat?ɬ�ges."
L'avenir proche dira si cette for?ɬ�t des possibles deviendra ou non une jungle cruelle o?ɬ? les "petits" se feront ?ɬ� nouveau manger par les "gros"...
Source: LeMonde.
Ce billet, écrit à 08:46 par cédric dans la catégorie Multimédia a suscité :